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Mais c’était une bénédiction vraiment, car le lendemain j’ai assisté au service funèbre du jeune Napoléon Bonaparte, fils de la reine Hortense et neveu de l’autre Napoléon. Il venait de mourir à point nommé. Une condamnation capitale pesait sur lui comme révolutionnaire, elle allait l’atteindre, la mort a été plus prompte. Pendant ce temps, son frère et sa mère fuyaient en Amérique !… Pauvre Hortense ! quelles vicissitudes ! Il y a quarante ans, elle venait de Saint-Domingue avec sa mère Joséphine, qui n’était alors que madame Beauharnais ; joyeuse créole, elle dansait la danse des nègres sur le vaisseau, et chantait aux matelots des chansons caraïbes ; aujourd’hui, elle repasse l’Océan pour soustraire un de ses fils à la hache des réactions ; elle laisse son mari à Florence, et voilà la fille adoptive du plus grand homme des temps modernes, fugitive de l’Europe, exilée de la France, dont elle s’était fait chérir, reine sans États ni couronne, mère désolée, orpheline, à peu près veuve, oubliée, abandonnée…

Toutes ces idées me saisissaient au cœur en entrant dans l’église. C’était bien, il me semble, un sujet d’inspiration pour l’organiste ; mais cet homme n’est pas un homme ! Il avait tiré le registre des petites flûtes et jouait de petits airs gais qui ressemblaient assez au gazouillement des roitelets dans les beaux jours d’hiver.

O Italiens, misérables que vous êtes, singes, orangs-outangs, pantins toujours ricanants, qui faites des opéras comme ceux de Bellini, de Pacini, de Rossini, de Vaccaï, de Mercadante, qui jouez des airs gais aux funérailles du neveu du grand homme, et qui, pour un paolo… !

C’est deux jours après et dans une telle disposition d’esprit