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d’amour paternel. Que de bons conseils il donnait à son enfant chéri : « Tu es jeune, tu es fort, ne te laisse pas aller à l’ennui, au découragement, et songe qu’avec les avantages que tu as et la santé, on peut surmonter bien des obstacles[1]. » — « Cher Louis, écrivait-il encore à propos de certaines fredaines de jeune homme, tu ne trouveras jamais en moi un censeur tartufe de morale[2]… » « Figure-toi que je t’ai aimé même quand tu étais tout petit ; et il m’est si difficile d’aimer les petits enfants ! Il y avait quelque chose en toi qui m’attirait. Ensuite cela s’est affaibli à ton âge bête, quand tu n’avais pas le sens commun ; et, depuis lors, cela est revenu, cela s’est accru, et je t’aime comme tu sais, cela ne fera qu’augmenter… Ah ! mon pauvre Louis, si je ne t’avais pas[3] !… » L’année suivante, hélas ! il le perdait, ce fils adoré, et il se replongeait, fou de douleur, dans l’anéantissement, dans le silence, dans la nuit.

Vainement essayait-on de lui proposer des distractions : « Mon cher Damcke, répondait-il à une invitation, je me donne le luxe de rester couché. Ainsi, excusez-moi auprès de S… si vous le voyez. J’ai pris mon parti ; je ne veux plus subir aucun genre de servitude ; je ne veux plus rien entendre de force ; rien louer de force. Qu’on me laisse mourir tranquille. Je vous pardonne seulement de me forcer à vous aimer[4]… »

Une artiste dont il aimait le talent, mademoiselle Bockholtz-Falconi, parvint cependant à l’arracher à la torpeur où il se complaisait en le mettant en relations avec M. Herbeck, maître de chapelle de la cour à Vienne, qui

  1. Lettre à son fils, du 7 septembre, sans autre mention.
  2. Lettre inédite à son fils, datée de Bade, 23 août.
  3. Lettre du 13 novembre 1865.
  4. Lettre inédite.