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Après quoi, je partirai pour Paris sans en donner un pour moi, malgré les offres des divers artistes qui joueraient gratuitement de bon cœur. Mais je ne puis accepter ces générosités et je suis trop malade ; je n’ai plus de force ; j’aspire à mon lit, à mon feu, à mon repos absolu ; les répétitions me tuent. Vous dépenserez trois fois plus d’argent ici qu’à Berlin et il y a un jeune violoniste, Vuillelmi, qui a joué une fois dans un concert, qui est engagé par la Grande-Duchesse, et qui a un succès fou. On ne parle que de lui. Malgré toutes les offres qu’on me fait pour me garder, je veux repartir ; le froid, la neige me chassent ; je suis incapable, avec ma santé, de soutenir une telle température. J’ai une répétition ce soir et j’en tremble d’avance. Je n’ose rien vous dire pour votre symphonie. En quelle langue la chanterez-vous ? Et qui la chantera ?

Pardon de vous écrire avec si peu d’ordre. Je n’ai pas la force de rassembler mes idées. Le voyage de Moscou m’a achevé. Les gens du Conservatoire de Moscou sont venus me chercher, la Grande-Duchesse m’a accordé un congé de douze jours et c’était de l’argent à gagner. J’ai dirigé le premier concert dans la salle immense du manége avec cinq cents musiciens et un auditoire de dix mille six cents personnes. En ce moment, il s’agit de faire marcher, ici, un programme terrible approuvé par la Grande-Duchesse pour ma fin. Le concert qu’on m’eût fait donner pour moi au mois de Mars m’eût retenu ici plus d’un mois ; j’aime mieux sacrifier huit mille francs et m’en retourner tout de suite.

Les gracieusetés de tout le monde, des artistes, du public ; les dîners, les cadeaux, n’y font rien. Je veux le soleil ; je veux aller à Nice, à Monaco.