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CXXXIV.

À LOUIS BERLIOZ.


Paris, 28 juin 1865.

Cher ami,

Je ne sais pas pourquoi je t’écris, car je n’ai rien à te dire. Ta lettre de ce matin m’a troublé au dernier point. Elle est peu intelligible, tout en étant fort claire dans l’expression de tes sentiments. Tu crains maintenant d’être capitaine, tu te méfies de toi… Et tu désires pourtant être nommé. Tu veux un intérieur au lieu de ta modeste chambre ; tu veux te marier, mais pas avec une femme ordinaire. Tout cela est fort simple et facile à comprendre ; seulement il ne faut pas reculer devant des fonctions qui peuvent seules te donner l’aisance dont tu as besoin. Tu as trente-deux ans, et, à cet âge, on doit connaître les réalités de la vie, ou on ne les connaîtra jamais. Il te faut de l’argent et ce n’est pas moi qui puis t’en donner. J’ai de quoi joindre les deux bouts de ma dépense annuelle et voilà tout. J’étais comme toi quand j’ai épousé ta mère, mais bien plus à plaindre encore ; car je n’avais pas les appointements que tu as et j’étais brouillé avec mes parents, qui d’ailleurs ne pouvaient rien me donner. Je te laisserai ce que mon père m’a laissé et quelque chose de plus ; mais je ne puis te dire quand je mourrai. Cela ne tardera guère pourtant. Ainsi ne me parle donc pas de tes convoitises,