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m’autorise à lui adresser mes divagations et veut bien perdre son temps à les lire, sans trop en voir le côté ridicule. Il est peu généreux à moi d’en profiter, je le sens, mais qui n’a pas son grain d’égoïsme ?… je n’en suis pas exempt ; aussi, toutes les fois qu’une tentation de ce genre viendra m’assaillir, je m’empresserai d’y succomber. — Je l’eusse fait plus tôt, impatient comme je le suis de recevoir de vos nouvelles, si, en descendant les Alpes, je n’avais été pris au bond et renvoyé comme un ballon de villa en villa dans tous les environs de Grenoble. Les parents, les amis à revoir, les curiosités à satisfaire, les récits de Rome, de Naples, du Vésuve, à varier tant bien que mal, m’ont occupé continuellement, tantôt d’une façon bien douce, tantôt de la manière la plus cruellement fastidieuse.

Je craignais, en arrivant en France, d’avoir à retourner le vers de Voltaire en m’avouant que « plus je vis l’étranger moins j’aimai ma patrie » ; mais il n’en a rien été, et les souvenirs du royaume de Naples sont demeurés impuissants contre l’aspect riant, varié, frais, riche, pittoresque, beau de masses, beau de détails, de notre admirable vallée de l’Isère. Je l’ai revue dans son meilleur moment ; la coquette semblait s’être mise en frais d’atours extraordinaires pour me prouver, à mon retour, qu’elle n’avait rien à envier aux beautés étrangères.

Il n’en a pas été de même dans la comparaison que je n’ai pu m’empêcher d’établir entre la société que je voyais le plus habituellement à Rome et celle que je retrouvais après ma longue absence. Cette fois, l’avantage est resté tout entier aux beautés éloignées, sinon étrangères, et le