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dramatique, des plus défavorables même au bon effet musical. Le rôle dévolu par Beethoven à ses quatre instruments à vent n’est pas le même ; il ne s’agit pas de les faire briller, mais d’obtenir d’eux une sorte d’accompagnement parfaitement d’accord avec le sentiment du personnage chantant et d’une sonorité spéciale qu’aucune autre combinaison orchestrale ne saurait produire. Le timbre voilé, un peu pénible même des cors, s’associe on ne peut mieux à la joie douloureuse, à l’espérance inquiète dont le cœur d’Éléonore est rempli ; c’est doux et tendre comme le roucoulement des ramiers. Spontini, vers la même époque, et sans avoir entendu le Fidelio de Beethoven, employait les cors avec une intention à peu près semblable pour accompagner le bel air de la Vestale :

Toi que j’implore.

Plusieurs maîtres, depuis lors, Donizetti entre autres, dans sa Lucia, l’ont fait avec le même bonheur.

Telle est l’évidence de la force expressive propre à cet instrument, dans certains cas, pour les compositeurs familiers avec le langage musical des passions et des sentiments.

Certes ce fut une grande âme tendre qui se répandit en cette émouvante inspiration !

L’émotion causée par le chœur des prisonniers, pour être moins vive, n’en est pas moins profonde.

Une troupe de malheureux sortent un instant de leur cachot et viennent respirer sur le préau. Écoutez, à leur entrée en scène, ces premières mesures de l’orchestre, ces douces et larges harmonies s’épanouissant radieuses, et ces voix timides qui se groupent lentement et arrivent à une expansion harmonique, s’exhalant de toutes ces poitrines oppressées comme un soupir de bonheur. Et ce dessin si mélodieux des instruments à vent qui les accompagne !… On pourra dire encore ici : « Pourquoi l’auteur n’a-t-il pas donné le dessin mélodique aux voix et