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Et on le pratique si bien et de si diverses manières, les correcteurs d’un théâtre voyant en noir ce que ceux d’un autre voient en blanc, que d’une partition qui aurait été, sans protecteur, traînée sur une cinquantaine de scènes, si l’on tenait compte du travail de tous les correcteurs, il resterait à peine dix pages intactes.

Les seize morceaux du Fidelio de Beethoven ont presque tous une belle et noble physionomie. Mais ils sont beaux de diverses façons, et c’est précisément ce qui me paraît constituer leur mérite principal. Le premier duo entre Marceline et son fiancé se distingue des autres par son style familier, gai, d’une piquante simplicité ; le caractère des deux personnages s’y décèle tout d’abord. L’air en ut mineur de la jeune fille semble se rapprocher par sa forme mélodique du style des meilleures pages de Mozart. L’orchestre cependant y est traité avec un soin plus minutieux que ne le fut jamais celui de l’illustre devancier de Beethoven.

Un quatuor d’une mélodie exquise succède à ce joli morceau. Il est traité en canon à l’octave, chacune des voix entrant à son tour pour dire le thème, de manière à produire d’abord un solo accompagné par un petit orchestre de violoncelles, d’altos et de clarinettes, puis un duo, un trio et enfin un quatuor complet. Rossini écrivit une foule de choses ravissantes dans cette forme ; tel est le canon de Moïse : Mi manca la voce. Mais le canon de Fidelio est un andante non suivi de l’allégro de rigueur, avec cabalette et coda bruyante. Et le public, tout charmé qu’il soit par ce gracieux andante, reste surpris, demeure stupide de ne pas voir arriver son allegro final, sa cadence, son coup de fouet… Au fait, pourquoi ne pas lui donner de coup de fouet ?…

On peut comparer les couplets de Rocko sur la puissance de l’or, écrits par Gaveaux dans sa partition française, à ceux de la partition allemande de Beethoven. C’est peut-être de tous les morceaux de la Léonore de Gaveaux celui qui supporte le mieux