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diverses façons dans la musique et dans le drame, et précédé d’une nouvelle ouverture. Cette seconde tentative eut un succès complet ; Beethoven, rappelé à grands cris par l’auditoire, fut traîné sur la scène après le premier et après le second acte, dont le finale produisit un enthousiasme inconnu à Vienne jusque-là. La partition de Fidelio n’en dut pas moins subir mille critiques plus ou moins acerbes ; et cependant, à partir de ce moment, on l’exécuta sur tous les théâtres d’Allemagne, où elle s’est maintenue jusqu’à présent, où elle fait partie du répertoire classique. Le même honneur lui arriva un peu plus tard sur les théâtres de Londres. En 1827, une troupe allemande étant venue donner des représentations à Paris, Fidelio, dont les deux rôles principaux étaient chantés avec un rare talent par Haitzinger et madame Schrœder-Devrient, fut accueilli avec enthousiasme. Il vient d’être mis en scène au Théâtre-Lyrique ; quinze jours auparavant, il reparaissait à celui de Covent-Garden de Londres ; on le joue en ce moment à New-York. Cherchez les théâtres où sont représentés à cette heure la Léonore de Gaveaux et la Leonora de Paër… Les érudits seuls connaissent l’existence de ces deux opéras. Ils ont passé… ils ne sont plus. C’est que, des trois partitions, la première est d’une faiblesse extrême, la seconde à peine une œuvre de talent, et la troisième une œuvre de génie.

En effet, plus j’entends, plus je lis l’ouvrage de Beethoven, et plus je le trouve digne d’admiration. L’ensemble et les détails m’en paraissent également beaux ; partout s’y décèlent l’énergie, la grandeur, l’originalité et un sentiment profond autant que vrai.

Il appartient à cette forte race d’œuvres calomniées sur lesquelles s’accumulent les plus inconcevables préjugés, les mensonges les plus manifestes, mais dont la vitalité est si intense, que rien contre elles ne peut prévaloir. Comme ces hêtres vigoureux nés dans les rochers et parmi les ruines, qui finissent par fendre les rocs, trouer les murailles, et s’élever enfin fiers