Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/69

Cette page a été validée par deux contributeurs.

des fragments des trois morceaux précédents ; et de plus, après ce même récitatif, il place dans l’orchestre, au milieu d’un choix d’accords exquis, le beau thème que vont bientôt chanter toutes les voix, sur l’ode de Schiller. Ce chant, d’un caractère doux et calme, s’anime et se brillante peu à peu, en passant des basses, qui le font entendre les premières, aux violons et aux instruments à vent. Après une interruption soudaine, l’orchestre entier reprend la furibonde ritournelle déjà citée et qui annonce ici le récitatif vocal.

Le premier accord est encore posé sur un fa qui est censé porter la tierce et la sixte, et qui les porte réellement ; mais cette fois l’auteur ne se contente pas de l’appogiature si bémol, il y ajoute celles du sol, du mi et de l’ut dièze, de sorte que toutes les notes de la gamme diatonique mineure se trouvent frappées en même temps et produisent l’épouvantable assemblage de sons : fa, la, ut dièse, mi, sol, si bémol, ré.

Le compositeur français Martin, dit Martini, dans son opéra de Sapho, avait, il y a quarante ans, voulu produire un hurlement d’orchestre analogue, en employant à la fois tous les intervalles diatoniques, chromatiques et enharmoniques, au moment où l’amante de Phaon se précipite dans les flots : sans examiner l’opportunité de sa tentative et sans demander si elle portait ou non atteinte à la dignité de l’art, il est certain que son but ne pouvait être méconnu. Ici, mes efforts pour découvrir celui de Beethoven sont complétement inutiles. Je vois une intention formelle, un projet calculé et réfléchi de produire deux discordances, aux deux instants qui précèdent l’apparition successive du récitatif dans les instruments et dans la voix ; mais j’ai beaucoup cherché la raison de cette idée, et je suis forcé d’avouer qu’elle m’est inconnue.

Le coryphée, après avoir chanté son récitatif, dont les paroles, nous l’avons dit, sont de Beethoven, expose seul, avec un léger accompagnement de deux instruments à vent et de l’orchestre à cordes en pizzicato, le thème de l’Ode à la Joie. Ce thème