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champs, robuste, religieux… ses joyeux ébats interrompus par l’orage… ses terreurs… son hymne de reconnaissance…

Voilez-vous la face, pauvres grands poëtes anciens, pauvres immortels ; votre langage conventionnel, si pur, si harmonieux, ne saurait lutter contre l’art des sons. Vous êtes de glorieux vaincus, mais des vaincus ! Vous n’avez pas connu ce que nous nommons aujourd’hui la mélodie, l’harmonie, les associations de timbres divers, le coloris instrumental, les modulations, les savants conflits de sons ennemis qui se combattent d’abord pour s’embrasser ensuite, nos surprises de l’oreille, nos accents étranges qui font retentir les profondeurs de l’âme les plus inexplorées. Les bégayements de l’art puéril que vous nommiez la musique ne pouvaient vous en donner une idée ; vous seuls étiez pour les esprits cultivés les grands mélodistes, les harmonistes, les maîtres du rhythme et de l’expression. Mais ces mots, dans vos langues, avaient un sens fort différent de celui que nous leur donnons aujourd’hui. L’art des sons proprement dit, indépendant de tout, est né d’hier ; il est à peine adulte, il a vingt ans. Il est beau, il est tout-puissant ; c’est l’Apollon Pythien des modernes. Nous lui devons un monde de sentiments et de sensations qui vous resta fermé. Oui, grands poëtes adorés, vous êtes vaincus : Inclyti sed victi.

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VII

SYMPHONIE EN LA

La septième symphonie est célèbre par son allegretto[1]. Ce n’est pas que les trois autres parties soient moins dignes d’ad-

  1. Qu’on appelle toujours l’adagio ou l’andante.