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décroissance, à cause de la secousse terrible que reçoivent au début les organes des auditeurs, et qui, élevant à son plus violent paroxysme l’émotion nerveuse, la rend d’autant plus difficile l’instant d’après. Dans une longue file de colonnes de la même hauteur, une illusion d’optique fait paraître plus petites les plus éloignées. Peut-être notre faible organisation s’accommoderait-elle mieux d’une péroraison plus laconique semblable au : Notre général vous rappelle, de Gluck ; l’auditoire ainsi n’aurait pas le temps de se refroidir, et la symphonie finirait avant que la fatigue l’ait mis dans l’impossibilité d’avancer encore sur les pas de l’auteur. Toutefois, cette observation ne porte, pour ainsi dire, que sur la mise en scène de l’ouvrage, et n’empêche pas que ce finale ne soit en lui-même d’une magnificence et d’une richesse auprès desquelles bien peu de morceaux pourraient paraître sans en être écrasés.


VI

SYMPHONIE PASTORALE

Cet étonnant paysage semble avoir été composé par Poussin et dessiné par Michel-Ange. L’auteur de Fidelio et de la symphonie héroïque veut peindre le calme de la campagne, les douces mœurs des bergers. Mais entendons-nous : il ne s’agit pas des bergers roses-verts et enrubannés de M. de Florian, encore moins de ceux de M. Lebrun, auteur du Rossignol, ou de ceux de J. J. Rousseau, auteur du Devin du Village. C’est de la nature vraie qu’il s’agit ici. Il intitule son premier morceau : Sensations douces qu’inspire l’aspect d’un riant paysage. Les pâtres commencent à circuler dans les champs, avec leur allure nonchalante, leurs pipeaux qu’on entend au loin et tout près ; de ravissantes phrases vous caressent