Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/45

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’harmonie, du rhythme et de l’instrumentation s’y montreront aussi essentiellement individuelles et neuves que douées de puissance et de noblesse.

Le premier morceau est consacré à la peinture des sentiments désordonnés qui bouleversent une grande âme en proie au désespoir ; non ce désespoir concentré, calme, qui emprunte les apparences de la résignation ; non pas cette douleur sombre et muette de Roméo apprenant la mort de Juliette, mais bien la fureur terrible d’Othello recevant de la bouche d’Iago les calomnies empoisonnées qui le persuadent du crime de Desdémona. C’est tantôt un délire frénétique qui éclate en cris effrayants ; tantôt un abattement excessif qui n’a que des accents de regret et se prend en pitié lui-même. Écoutez ces hoquets de l’orchestre, ces accords dialogués entre les instruments à vent et les instruments à cordes, qui vont et viennent en s’affaiblissant toujours, comme la respiration pénible d’un mourant, puis font place à une phrase pleine de violence, où l’orchestre semble se relever, ranimé par un éclair de fureur ; voyez cette masse frémissante hésiter un instant et se précipiter ensuite tout entière, divisée en deux unissons ardents comme deux ruisseaux de lave ; et dites si ce style passionné n’est pas en dehors et au-dessus de tout ce qu’on avait produit auparavant en musique instrumentale.

On trouve dans ce morceau un exemple frappant de l’effet produit par le redoublement excessif des parties dans certaines circonstances, et de l’aspect sauvage de l’accord de quarte sur la seconde note du ton, autrement dit, du second renversement de l’accord de la dominante. On le rencontre fréquemment sans préparation ni résolution, et une fois même sans la note sensible et sur un point d’orgue, le se trouvant au grave dans tous les instruments à cordes, pendant que le sol dissone tout seul à l’aigu dans quelques parties d’instruments à vent.

L’adagio présente quelques rapports de caractère avec l’allegretto en la mineur de la septième symphonie, et celui en mi