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funèbres, à chaque instant assombris par des pensées de deuil, des jeux enfin comme ceux que les guerriers de l’Iliade célébraient autour des tombeaux de leurs chefs.

Jusque dans les évolutions les plus capricieuses de son orchestre, Beethoven a su conserver la couleur grave et sombre, la tristesse profonde qui devaient naturellement dominer dans un tel sujet. Le finale n’est qu’un développement de la même idée poétique. Un passage d’instrumentation fort curieux se fait remarquer au début, et montre tout l’effet qu’on peut tirer de l’opposition des timbres différents. C’est un si bémol frappé par les violons, et repris à l’instant par les flûtes et les hautbois en manière d’écho. Bien que le son soit répercuté sur le même degré de l’échelle, dans le même mouvement et avec une force égale, il résulte cependant de ce dialogue une différence si grande entre les mêmes notes, qu’on pourrait comparer la nuance qui les distingue à celle qui sépare le bleu du violet. De telles finesses de tons étaient tout à fait inconnues avant Beethoven, c’est à lui que nous les devons.

Ce finale si varié est pourtant fait entièrement avec un thème fugué fort simple, sur lequel l’auteur bâtit ensuite, outre mille ingénieux détails, deux autres thèmes dont l’un est de la plus grande beauté. On ne peut s’apercevoir, à la tournure de la mélodie, qu’elle a été pour ainsi dire extraite d’une autre. Son expression au contraire est beaucoup plus touchante, elle est incomparablement plus gracieuse que le thème primitif, dont le caractère est plutôt celui d’une basse et qui en tient fort bien lieu. Ce chant reparaît, un peu avant la fin, sur un mouvement plus lent et avec une autre harmonie qui en redouble la tristesse. Le héros coûte bien des pleurs. Après ces derniers regrets donnés à sa mémoire, le poëte quitte l’élégie pour entonner avec transport l’hymne de la gloire. Quoique un peu laconique, cette péroraison est pleine d’éclat, elle couronne dignement le monument musical. Beethoven a écrit des choses plus saisissantes peut-être que cette symphonie, plusieurs de ses autres