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qui lui convient. À considérer les choses d’un peu haut, il est difficile de trouver une justification sérieuse à ce caprice musical[1]. L’auteur, dit-on, y tenait beaucoup cependant ; on raconte même qu’à la première répétition de cette symphonie, M. Ries, qui y assistait, s’écria en arrêtant l’orchestre : « Trop tôt, trop tôt, le cor s’est trompé ! » et que, pour récompense de son zèle, il reçut de Beethoven furieux une semonce des plus vives.

Aucune bizarrerie de cette nature ne se présente dans le reste de la partition. La marche funèbre est tout un drame. On croit y trouver la traduction des beaux vers de Virgile, sur le convoi du jeune Pallas :


Multa que præterea Laurentis præmia pugnæ
Adgerat, et longo prædam jubet ordine duci.
Post bellator equus, positis insignibus, Æthon
It lacrymans, guttis que humectat grandibus ora.


La fin surtout émeut profondément. Le thème de la marche reparaît, mais par fragments coupés de silences et sans autre accompagnement que trois coups pizzicato de contre-basse ; et quand ces lambeaux de la lugubre mélodie, seuls, nus, brisés, effacés, sont tombés un à un jusque sur la tonique, les instruments à vent poussent un cri, dernier adieu des guerriers à leur compagnon d’armes, et tout l’orchestre s’éteint sur un point d’orgue pianissimo.

Le troisième morceau est intitulé scherzo, suivant l’usage. Le mot italien signifie jeu, badinage. On ne voit pas trop, au premier coup d’œil, comment un pareil genre de musique peut figurer dans cette composition épique. Il faut l’entendre pour le concevoir. En effet, c’est bien là le rhythme, le mouvement du scherzo ; ce sont bien des jeux, mais de véritables jeux

  1. À quelque point de vue que l’on se place, si c’est là réellement une intention de Beethoven, et s’il y a quelque chose de vrai dans les anecdotes qui circulent à ce sujet, il faut convenir que ce caprice est une absurdité