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À TRAVERS CHANTS

Ce compte rendu sincère met assez en évidence les grandes qualités musicales de Wagner. On doit en conclure, ce me semble, qu’il possède cette rare intensité de sentiment, cette ardeur intérieure, cette puissance de volonté, cette foi qui subjuguent, émeuvent et entraînent ; mais que ces qualités auraient bien plus d’éclat si elles étaient unies à plus d’invention, à moins de recherche et à une plus juste appréciation de certains éléments constitutifs de l’art. Voilà pour la pratique.

Maintenant, examinons les théories qu’on dit être celles de son école, école généralement désignée aujourd’hui sous le nom d’école de la musique de l’avenir, parce qu’on la suppose en opposition directe avec le goût musical du temps présent, et certaine au contraire de se trouver en parfaite concordance avec celui d’une époque future.

On m’a longtemps attribué à ce sujet, en Allemagne et ailleurs, des opinions qui ne sont pas les miennes ; par suite, on m’a souvent adressé des louanges où je pouvais voir de véritables injures ; j’ai constamment gardé le silence. Aujourd’hui, mis en demeure de m’expliquer catégoriquement, puis-je me taire encore, ou dois-je faire une profession de foi mensongère ? Personne, je l’espère, ne sera de cet avis.

Parlons donc, et parlons avec une entière franchise. Si l’école de l’avenir dit ceci :


« La musique, aujourd’hui dans la force de sa jeunesse, est émancipée, libre ; elle fait ce qu’elle veut.

« Beaucoup de vieilles règles n’ont plus cours ; elles furent faites par des observateurs inattentifs ou par des esprits routiniers, pour d’autres esprits routiniers.

« De nouveaux besoins de l’esprit, du cœur et du sens de l’ouïe imposent de nouvelles tentatives, et même dans certains cas l’infraction des anciennes lois.

« Diverses formes sont par trop usées pour être encore admises.