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CAUSES QUI ONT AMENÉ L’EXHAUSSEMENT DU DIAPASON.

Il paraît prouvé maintenant que les facteurs d’instruments à vent sont les seuls coupables du fait dont nous déplorons les conséquences. Afin de donner un peu plus d’éclat aux flûtes, aux hautbois et aux clarinettes, certains facteurs en ont clandestinement haussé le ton. Les jeunes virtuoses entre les mains desquels ces instruments sont arrivés ont dû d’abord, lorsqu’ils sont entrés dans un orchestre, en tirer un peu la coulisse pour les mettre d’accord avec les autres. Mais comme cet allongement du tube (des flûtes surtout) en dérange plus ou moins les proportions, et par suite en altère la justesse, ces artistes se sont peu à peu abstenus d’y recourir. Toute la masse des instruments à cordes a suivi alors, peut-être à son insu, l’impulsion donnée par ces instruments à vent aigus ; les violons, les altos, les basses, en tendant un peu plus leurs cordes, ont ainsi adopté facilement un diapason plus haut. Les autres musiciens, les anciens de l’orchestre, chargés des parties de basson, de cor, de trompette, de second hautbois, etc., fatigués de ne pouvoir, malgré tous leurs efforts, se hausser jusqu’au ton devenu le ton dominant, ont alors fini par porter leurs instruments chez le facteur, pour en faire adroitement raccourcir le tube, pour le faire couper (c’est le terme adopté) et atteindre ainsi le ton nouveau. Et voilà le diapason haut installé dans cet orchestre, et bientôt après dans les concerts par des pianos accordés sur des diapasons d’acier, dont les branches raccourcies à coups de lime avaient pris le ton nouveau.

Le même fait, plus ou moins avoué, mais réel, se reproduit à peu près partout tous les vingt ans.

Aujourd’hui les facteurs d’orgues eux-mêmes suivent le mouvement et accordent leurs instruments au diapason haut. Nous ignorons certainement celui pour lequel saint Grégoire et saint Ambroise composèrent les plains-chants qu’ils ont légués à la liturgie ecclésiastique ; mais il est bien évident que plus le