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de certain exécutants et du droit insensé qu’ils s’arrogent de corriger les auteurs.

L’un de nos plus illustres virtuoses a dit à ce sujet : « Nous ne sommes pas le clou auquel ou suspend le tableau, nous sommes le soleil qui l’éclaire. » — Ce à quoi on peut répondre : D’accord, nous admettons cette modeste comparaison. Mais le soleil, en rayonnant sur un tableau, en dévoile exactement le dessin et le coloris ; il n’y fait pas pousser des arbres ni de mauvaises herbes, apparaître des oiseaux ou des serpents là où le peintre n’en a pas mis ; il ne change pas l’expression des figures, il ne rend pas tristes les visages gais, ni gais les visages tristes ; il n’élargit pas certains contours pour en rétrécir d’autres ; il ne rend pas blanc ce qui est noir, ou noir ce qui est blanc, il montre enfin le tableau tel que le peintre l’a fait. Eh ! que voulons-nous autre chose ? C’est justement ce que nous demandons. Soyez donc des soleils, mesdames et messieurs, on sera heureux de vous adorer ; soyez des soleils, et tâchez de ne jamais être des rats-de-cave ou des lanternes de chiffonnier.

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Je suis monté au vieux château, à grands pas, en enrageant de toute mon âme, forcé de reconnaître que les grands poëtes, comme les grands artistes, sont fatalement destinés à être outragés de mille manières ; que, si l’on met en vaudeville l’Iliade, en ballets l’Odyssée, si l’on place une pipe à la bouche de l’Hercule Farnèse, si l’on dessine des moustaches sur la lèvre de la Vénus de Milo, si les praticiens corrigent le travail des statuaires, si l’on mutile et déforme les chefs-d’œuvre de l’art musical, il n’y aura personne pour les venger, et les gouvernants ne daigneront pas s’en occuper.

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Le vieux château de Bade est une ruine colossale du moyen âge, un nid de vautours construit au sommet d’une montagne