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pas la musique ; où des lettrés sont les arbitres du sort des musiciens ; où les prix de composition musicale sont donnés par des peintres, les prix de peinture par des architectes, les prix de statuaire par des graveurs. Si les Chinois savaient cela ! Pauvres Chinois ! Eh bien ! pourtant, je vous l’ai dit, ils ont du bon. Ils ont des directeurs des arts qui connaissent ce qu’ils dirigent ; ils ont même des colléges entiers de mandarins artistes, dont l’influence pourrait être immense et s’exercer, pour le plus grand avantage de l’art, sur l’empire tout entier. Il ne se publie pas dans toute la Chine un livre sur la musique, la peinture, l’architecture, etc., que l’auteur ne soumette son travail à l’examen des mandarins artistes, afin, s’ils l’approuvent, de pouvoir inscrire sur la seconde édition de l’ouvrage : Approuvé par le collége. Malheureusement les membres respectés de cette institution, qui auraient souvent le droit de faire infliger aux auteurs le supplice de la cangue, ont toujours été, à l’inverse des directeurs spéciaux de l’art musical, animés d’une telle bienveillance, qu’ils approuvent généralement tout ce qu’on leur présente. Aujourd’hui ils loueront un auteur d’avoir exposé telle ou telle doctrine, préconisé telle ou telle méthode de tamtam, demain un autre exposera la doctrine contraire, prônera la méthode opposée, et le collége ne manquera pas de l’approuver encore. Ils en sont venus à un tel degré de bonhomie et d’indulgence, que maintenant la plupart des auteurs, dès la première édition de leurs livres, y placent la formule « approuvé par le collége » avant même de le lui avoir présenté, tant ils sont certains d’obtenir son suffrage.

Ah ! pauvres Chinois ! il ne faut plus s’étonner de voir chez eux l’art rester obstinément stationnaire !

Mais je leur pardonne tout en faveur de leur règlement sur les tamtams et de leurs lois contre les profanateurs.

Alors, direz-vous, s’ils coupent le nez et les oreilles aux chanteurs qui profanent les chefs-d’œuvre, que font-ils pour ceux qui les interprètent avec fidélité, avec grandeur, avec inspira-