Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

temples, ces myriades d’instruments de natures diverses qu’ils nommaient : Lyra, Psalterium, Trigonium, Sambuca, Cithara, Pectis, Maga, Barbiton, Testudo, Epigonium, Simmicium, Épandoron, etc., pour les instruments à cordes ; Tuba, Fistula, Tibia, Cornu, Lituus, etc., pour les instruments à vent ; Tympanum, Cymbalum, Crepitaculum, Tintinnabulum, Crotalum, etc., pour les instruments de percussion, n’auraient été employés qu’à produire de froids et stériles unissons ou de pauvres octaves ! On aurait ainsi fait marcher du même pas la harpe et la trompette ; on aurait enchaîné de force dans un unisson grotesque deux instruments dont les allures, le caractère et l’effet diffèrent si énormément ! C’est faire à l’intelligence et au sens musical d’un grand peuple une injure qu’il ne mérite pas, c’est taxer la Grèce entière de barbarie. »

Tels étaient les motifs de l’opinion de M. Lesueur. Quant aux faits cités en preuves, on ne peut rien leur opposer ; si l’illustre maître avait publié son grand ouvrage sur la musique antique, avec les fragments dont nous avons parlé plus haut ; s’il avait indiqué les sources où il a puisé, les manuscrits qu’il a compulsés ; si les incrédules avaient pu se convaincre par leurs propres yeux, que ces harmonies attribuées aux Grecs nous ont été réellement léguées par eux ; alors sans doute M. Lesueur eût gagné la cause au plaidoyer de laquelle il a travaillé si longtemps avec une persévérance et une conviction inébranlables. Malheureusement il ne l’a pas fait, et comme le doute est encore très-permis sur cette question, nous allons discuter les preuves de raisonnement avancées par M. Lesueur, avec l’impartialité et l’attention que nous avons apportées dans l’examen des idées de ses antagonistes. Nous lui répondrons donc :

Les plains-chants que vous appelez barbares ne sont pas tous aussi sévèrement jugés par la généralité des musiciens actuels ; il en est plusieurs, au contraire, qui leur paraissent