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devant cette œuvre de son fils, eût mieux fait de la brûler et de dire au jeune compositeur : « Mon garçon, tu viens de produire là une ouverture bien ridicule ; tu as dit ton chapelet avant de la commencer, je n’en doute pas, mais tu vas m’en faire une autre, et cette fois tu diras ton rosaire pour obtenir des saints qu’ils t’inspirent mieux. » Raca ! abomination ! blasphème ! vont s’écrier tous les Oulibicheff, en déchirant leurs vêtements et en se couvrant la tête de cendres, blasphème ! abomination ! raca ! — Holà ! calmez-vous, hommes vénérables, ne déchirez pas vos vêtements, couvrez-vous la tête de poudre à poudrer, s’il vous plaît, mais non de cendres, car il n’y a pas de blasphème ni d’abomination dans l’énoncé de notre opinion ; il est aujourd’hui tout à fait prouvé que Mozart, à quinze ans surtout, n’était pas le bon Dieu. Sachez en outre que nous l’admirons plus que vous, que nous le connaissons mieux que vous, mais que notre admiration est d’autant plus vive qu’elle n’est le résultat ni d’impressions puériles ni d’absurdes préjugés.

La pièce de l’Enlèvement est encore une pièce turque. Il y a l’éternelle esclave européenne qui résiste à l’éternel pacha. Cette esclave a une jolie suivante ; elles ont l’une et l’autre de jeunes amants. Ces malheureux s’exposent à se faire empaler pour délivrer leurs belles. Ils s’introduisent dans le sérail, ils y apportent une échelle, voire même deux échelles.

Mais Osmin, un magot turc, homme de confiance du pacha, déjoue leurs projets, enlève une des échelles, arrête les quatre personnages et va les livrer à la fureur du pal, quand le pacha, qui est un faux Turc d’origine espagnole, apprenant que Belmont, l’amant de Constance, est le fils d’un Espagnol de ses amis qui, jadis, lui sauva la vie, se hâte de délivrer nos amoureux et de les renvoyer en Europe, où il est probable qu’ils ont ensuite beaucoup d’enfants.

C’est aussi fort que cela.

Vous dire que Mozart a écrit là-dessus une merveille d’inspiration serait encore plus fort. Il y a une foule de jolis petits