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défaut, qui ne s’étend pas aussi loin qu’on veut bien le dire, n’en est pas un quand la bizarrerie du dessin vocal est motivée par une intention dramatique. C’est alors au contraire une qualité ; l’auteur en ce cas n’est blâmable qu’aux yeux des chanteurs, obligés de prendre de la peine et de se livrer à des études que la musique banale ne leur impose pas.

Tels sont plusieurs passages vraiment diaboliques du rôle de Gaspard dans le Freyschütz, passages qui, à mon sens, sont des traits évidents de génie.

Sur les vingt morceaux dont se compose la partition d’Obéron, je n’en vois pas un de faible. L’invention, l’inspiration, le savoir, le bon sens brillent dans tous : et c’est presque à regret que nous citerons de préférence aux autres pièces le chœur mystérieux et suave de l’introduction chanté par les génies autour du lit de fleurs où sommeille Obéron ; — l’air chevaleresque d’Huon dans lequel se trouve une ravissante phrase déjà présentée au milieu de l’ouverture ; — la merveilleuse marche nocturne des gardes du sérail qui termine le premier acte ; — le chœur énergique et si rudement caractérisé : « Gloire au chef des croyants ! » — la prière d’Huon accompagnée seulement par les altos, les violoncelles et les contre-basses ; — la dramatique scène de Rezia sur le bord de l’Océan ; — le chant des nymphes confié aujourd’hui à Puck seul, dans la nouvelle version du livret (à tort, selon moi ; il devrait être chanté au fond du théâtre, sur l’un des arrière-plans de la mer, par plusieurs voix de choix à l’unisson, et avec une douceur extrême) ; — le chœur de danse des esprits terminant le second acte ; — l’air si gracieusement gai de Fatime ; — le duo suivant avec son trait obstiné d’orchestre revenant à intervalles irréguliers ; — le trio si harmonieux, si admirablement modulé qu’accompagnent pianissimo les instruments de cuivre ; — et enfin le chœur dansé de la scène de séduction, morceau unique dans son genre. Jamais la mélodie n’eut de pareils sourires, le rhythme des caresses plus irrésistibles. Pour que le chevalier