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« L’harmonie était connue des anciens, disait-il, les œuvres de leurs poëtes, philosophes et historiens le prouvent en maint endroit d’une façon péremptoire. Ces fragments historiques, fort clairs en eux-mêmes, ont été traduits à contre-sens. Grâce à l’intelligence que nous avons de la notation des Grecs, des morceaux entiers de leur musique, à plusieurs voix accompagnées de divers instruments, sont là pour témoigner de cette vérité. Des duos, trios et chœurs, de Sapho, Olympe, Terpandre, Aristoxène, etc., fidèlement reproduits dans nos signes musicaux, seront publiés plus tard. On y trouvera une harmonie simple et claire, où les accords les plus doux sont seuls employés, et dont le style est absolument le même que celui de certains fragments de musique religieuse, composés de nos jours. Leur gamme et leur système de tonalité sont parfaitement identiques aux nôtres. C’est une erreur des plus graves de voir dans le plain-chant, tradition monstrueuse des hymnes barbares que les Druides hurlaient autour de la statue d’Odin, en lui offrant d’horribles sacrifices, un débris de la musique grecque. Quelques cantiques en usage dans le rituel de l’église catholique sont grecs, il est vrai ; aussi les trouvons-nous conçus dans le même système que la musique moderne ? D’ailleurs, quand les preuves de fait manqueraient, celles de raisonnement ne suffisent-elles pas à démontrer la fausseté de l’opinion qui refuse aux anciens la connaissance et l’usage de l’harmonie ? Quoi ! les Grecs, ces fils ingénieux et polis de la terre qui vit naître Homère, Sophocle, Pindare, Praxitèle, Phidias, Apelles, Zeuxis, ce peuple artiste qui élevait des temples merveilleux que le temps n’a pas encore abattus, dont le ciseau taillait dans le marbre des formes humaines dignes de représenter les dieux ; ce peuple, dont les œuvres monumentales servent de modèles aux poëtes, statuaires, architectes et peintres de nos jours, n’aurait eu qu’une musique incomplète et grossière comme celle des barbares ?… Quoi ! ces milliers de chanteurs des deux sexes entretenus à grands frais dans les