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Il faudrait écrire beaucoup trop pour analyser dignement la partition d’Obéron, pour examiner les questions que le style de cet ouvrage fait naître, expliquer les procédés employés par l’auteur et trouver la cause du ravissement dans lequel cette musique plonge des auditeurs même étrangers à toute notion, sinon à tout sentiment de l’art des sons.

Obéron est le pendant du Freyschütz. L’un appartient au fantastique sombre, violent, diabolique ; l’autre est du domaine des féeries souriantes, gracieuses, enchanteresses. Le surnaturel dans Obéron se trouve si habilement combiné avec le monde réel, qu’on ne sait précisément où l’un et l’autre commencent et finissent, et que la passion et le sentiment s’y expriment dans un langage et avec des accents qu’il semble qu’on n’ait jamais entendus auparavant.

Cette musique est essentiellement mélodieuse, mais d’une autre façon que celle des plus grands mélodistes. La mélodie s’y exhale des voix et des instruments comme un parfum subtil qu’on respire avec bonheur, sans pouvoir tout d’abord en déterminer le caractère. Une phrase qu’on n’a pas entendu commencer est déjà maîtresse de l’auditeur au moment précis où il la remarque ; une autre qu’il n’a pas vu s’évanouir le préoccupe encore quelque temps après qu’il a cessé de l’entendre. Ce qui en fait le charme principal, c’est la grâce, une grâce exquise et un peu étrange. On pourrait dire de l’inspiration de Weber dans Obéron ce que Laërtes dit de sa sœur Ophélia :

Thought and affliction ; passion, hell itself,
She turns to favour and to prettiness.

(La rêverie, l’affliction, la passion, l’enfer lui-même, elle change tout en charme et en grâce.)

N’était l’enfer qui n’y figure pas, et qui d’ailleurs, sous la main de Weber, n’a jamais pris des formes gracieuses, mais bien des formes effrayantes et terribles au contraire.

Les enchaînements harmoniques de Weber ont un coloris