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sure dont la suppression ou le changement me paraisse désirable. L’intelligence, l’imagination, le génie brillent de toutes parts avec une force de rayonnement dont les yeux d’aigle pourraient seuls n’être point fatigués, si une sensibilité inépuisable, autant que contenue, ne venait en adoucir l’éclat et étendre sur l’auditeur le doux abri de son voile.

L’ouverture est couronnée reine aujourd’hui ; personne ne songe à le contester. On la cite comme le modèle du genre. Le thème de l’andante et celui de l’allegro se chantent partout. Il en est un que je dois citer, parce qu’on le remarque moins et qu’il m’émeut incomparablement plus que tout le reste. C’est cette longue mélodie gémissante, jetée par la clarinette au travers du tremolo de l’orchestre, comme une plainte lointaine dispersée par les vents dans les profondeurs des bois. Cela frappe droit au cœur ; et, pour moi du moins, ce chant virginal qui semble exhaler vers le ciel un timide reproche, pendant qu’une sombre harmonie frémit et menace au-dessous de lui, est une des oppositions les plus neuves, les plus poétiques et les plus belles qu’ait produites en musique l’art moderne. Dans cette inspiration instrumentale on peut aisément reconnaître déjà un reflet du caractère d’Agathe qui va se développer bientôt avec toute sa candeur passionnée. Elle est pourtant empruntée au rôle de Max. C’est l’exclamation du jeune chasseur au moment où, du haut des rochers, il sonde de l’œil les abîmes de l’infernale vallée. Mais, un peu modifiée dans ses contours, et instrumentée de la sorte, cette phrase change complétement d’aspect et d’accent.

L’auteur possédait au suprême degré l’art d’opérer ces transformations mélodiques.

Il faudrait écrire un volume pour étudier isolément chacune des faces de cette œuvre si riche de beautés diverses. Les principaux traits de sa physionomie sont d’ailleurs à peu près généralement connus. Chacun admire la mordante gaieté des couplets de Kilian, avec le refrain du chœur riant aux éclats ;