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mêmes ont pris maintes fois la liberté de corriger l’instrumentation de leurs prédécesseurs, à qui ils faisaient ainsi l’aumône de leur science et de leur goût. Mozart a instrumenté les oratorios de Handel. La justice divine a voulu que plus tard les opéras de Mozart fussent à leur tour réinstrumentés en Angleterre et qu’on bourrât Figaro et Don Juan de trombones, d’ophicléides et de grosses caisses. Spontini m’avouait un jour avoir ajouté, avec bien de la discrétion il est vrai, des instruments à vent à ceux qui se trouvent déjà dans l’Iphigénie en Tauride de Gluck. Deux ans après, se plaignant avec amertume devant moi des excès de ce genre dont il était témoin, des abominables grossièretés ajoutées à l’orchestre de pauvres morts qui ne pouvaient se défendre contre de telles calomnies, Spontini s’écria : « C’est indigne ! affreux ! Mais on me corrigera donc aussi, moi, quand je serai mort ?… » — Ce à quoi je répondis tristement : « Hélas ! cher maître, vous avez bien corrigé Gluck ! »

Le plus grand symphoniste qui ait jamais existé n’a pas échappé lui-même à ces inqualifiables outrages. Sans compter l’ouverture de Fidelio, trombonisée d’un bout à l’autre en Angleterre, où l’on trouve que Beethoven dans cette ouverture a employé les trombones avec trop de réserve, on a déjà commencé ailleurs à corriger l’instrumentation de la symphonie en ut mineur

Je vous dirai quelque jour, dans un travail spécial, le nom de tous ces ravageurs de chefs-d’œuvre…