Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/216

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’auteur ici oublie d’indiquer le ton des cors ; ailleurs il a négligé d’indiquer même l’instrument à vent qui doit exécuter une partie saillante ; est-ce une flûte, un hautbois, une clarinette ? on ne sait. Quelquefois il écrit sur la ligne des contre-basses quelques notes importantes pour les bassons, puis il ne s’occupe plus d’eux et l’on ne peut savoir ce qu’ils deviennent ensuite.

Dans la partition de l’Alceste italienne, imprimée à Vienne et un peu moins incorrecte que la partition française, on trouve des causes d’erreurs pour les copistes et les exécutants, telles que celles-ci : Le mot Bos s’y trouve fréquemment ; qu’est-ce que Bos ? C’est une faute d’impression ; il fallait Pos. Mais qu’est-ce donc que Pos ? C’est l’abréviation du mot allemand Posaunen, qui signifie trombones ; et l’on est d’autant plus pardonnable de ne pas le deviner que partout ailleurs, dans la même partition, il désigne les trombones par leur nom italien de tromboni. Je n’ai pu savoir exactement quel instrument il a voulu désigner dans l’Alceste italienne par le mot bizarre de chalamaux ; est-ce la clarinette employée dans le chalumeau ? le doute est permis.

Je n’en finirais pas de décrire un tel désordre. Il y a même, dans la grande partition française, par suite d’une faute de copie, une cacophonie d’instruments de cuivre, digne de certaines partitions modernes, qui ferait bondir et hurler de douleur l’auditoire le plus amoureux de l’horrible, et qui a l’air d’avoir été écrite, comme on en écrit maintenant, avec la plus scrupuleuse férocité.

Gluck dit dans une de ses lettres : « Ma présence aux répétitions de mes ouvrages est aussi indispensable que le soleil l’est à la création. » Je le crois bien, mais elle l’eût été un peu moins s’il se fût donné la peine d’écrire avec plus d’attention et s’il n’eût pas laissé aux exécutants tant d’intentions à deviner et tant d’erreurs à rectifier. Aussi ne se figure-t-on pas ce que ses œuvres deviennent quand on les représente dans les théâtres où les traditions ne se sont pas conservées. J’ai vu une