Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/184

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se trouvent aujourd’hui placées dans des circonstances essentiellement différentes de celles qui existaient de son temps, et qu’il ne faut pas lui reprocher l’exubérance qu’elles ont acquise malgré lui aux dépens du reste de l’orchestre. Il s’est abstenu si constamment des sons graves de la clarinette, de ceux du cor et des trombones, qu’il semble ne les avoir pas connus. Une étude approfondie de son instrumentation nous entraînerait trop loin de notre sujet ; disons seulement qu’il a employé le premier en France, et une seule fois, la grosse caisse (sans cymbales) dans le chœur final d’Iphigénie en Aulide, les cymbales (sans grosse caisse) le triangle et le tambourin dans le premier acte d’Iphigénie en Tauride ; instruments dont on fait aujourd’hui un emploi si stupide et un abus si révoltant.

Les second et troisième actes d’Alceste passent, dans l’opinion de quelques juges superficiels, pour inférieurs au premier. Les situations seules du drame sont moins saillantes et se nuisent entre elles par leur ressemblance et leur fâcheuse monotonie. Mais le musicien ne fléchit pas un instant ; il semble même redoubler d’inspiration pour combattre ce défaut ; jusqu’au dernier moment le même souffle l’anime ; il trouve des formes nouvelles pour peindre, et toujours avec une puissance plus irrésistible, le deuil, le désespoir, l’effroi, l’attendrissement, l’angoisse, la stupeur ; il vous inonde de mélodies navrantes, d’accents douloureux, dans les voix, dans les parties hautes, dans les parties intermédiaires de l’orchestre ; tout supplie, tout pleure, gémit ; et ces pleurs intarissables nous touchent cependant ; telles sont la force et la beauté de l’inspiration du poëte musicien.

Au second acte, d’ailleurs, les réjouissances motivées par le rétablissement du roi amènent les morceaux les plus gracieux, les mélodies les plus riantes, dont le charme est doublé par leur contraste avec tout le reste.

Le chœur, « Que les plus doux transports, » et celui, « Livrons-nous à l’allégresse, » n’ont pas précisément le brio que désire-