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qu’il a au contraire si avantageusement modifié dans presque tout le reste ? C’est pourtant la vérité. Le premier vers du texte italien est celui-ci :

Ombre, larve, compagne di morte.

Le premier mot, ombre, par lequel l’air commence, étant placé sur deux larges notes, dont la première peut et doit être enflée, donne à la voix le temps de se développer et rend la réponse des dieux infernaux, représentés par les cors et les trombones, beaucoup plus saillante, le chant cessant au moment où s’élève le cri instrumental. Il en est de même des deux sons écrits une tierce plus haut que les premiers, pour le second mot larve. Dans la traduction française, à la place de ces deux mots italiens, qui étaient tout traduits en y ajoutant un s, nous avons, Divinités du Styx, par conséquent, au lieu d’un membre de phrase excellent pour la voix, d’un sens complet enfermé dans une mesure, le changement produit cinq répercussions insipides de la même note pour les cinq syllabes di-vi-ni-tés du, le mot Styx étant placé à la mesure suivante, en même temps que l’entrée des instruments à vent et le fortissimo de l’orchestre qui l’écrasent et empêchent de l’entendre. Par là, le sens demeurant incomplet dans la mesure où le chant est à découvert, l’orchestre a l’air de partir trop tôt et de répondre à une interpellation inachevée. De plus, la phrase italienne compagne di morte, sur laquelle la voix se déploie si bien, étant supprimée en français et remplacée par un silence, laisse dans la partie de chant une lacune que rien ne saurait justifier. La belle pensée du compositeur serait reproduite sans altération, si, au lieu des mots que je viens de désigner, on lui eût adapté ceux-ci :

Ombres, larves, pâles compagnes de la mort !

Sans doute le poëte n’eût pas su se contenter de la structure de ce quasi-vers, et plutôt que de manquer aux règles de l’hé-