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son terrible vœu, manque, comme l’air précédent, dans la partition italienne ; l’accent en est énergique et grandiose. Il offre cela de particulier dans son instrumentation, que la voix y est presque constamment suivie à l’unisson et à l’octave par six instruments à vent, deux hautbois, deux clarinettes et deux cors, sur le tremoto de tous les instruments à cordes. Ce mot tremoto (tremblé) n’indique pas dans les partitions de Gluck ce frémissement d’orchestre qu’il a employé ailleurs fort souvent, et qu’on nomme trémolo, dans lequel la même note est répétée aussi rapidement que possible par une multitude de petits coups d’archet. Il ne s’agit ici que de ce tremblement du doigt de la main gauche appuyé sur la corde, et qui donne au son une sorte d’ondulation ; Gluck l’indique par ce signe, placé sur les notes tenues : et quelquefois aussi par le mot appogiato (appuyé). Il y a encore une autre espèce de tremblement qu’il emploie dans les récitatifs, dont l’effet est fort dramatique ; il le désigne par des points placés au-dessus d’une grosse note, et couverts par un coulé ainsi : Cela signifie que les archets doivent répéter sans rapidité le même son d’une façon irrégulière, les uns faisant quatre notes par mesure, d’autres huit, d’autres cinq, ou sept, ou six, produisant ainsi une multitude de rhythmes divers qui, par leur incohérence, troublent profondément tout l’orchestre et répandent sur les accompagnements ce vague ému qui convient à tant de situations.

Dans le récitatif que je viens de citer, ce système d’orchestration avec le tremoto appogiato, la voix solennelle des instruments à vent suivant la partie de chant, les dessins formidables des basses descendant diatoniquement, pendant les intervalles de silence de la partie vocale, produisent un effet d’un grandiose incomparable.

Remarquons le singulier enchaînement de modulations suivi par l’auteur, pour lier ensemble les deux grands airs que chante Alceste à la fin de ce premier acte. Le premier est en majeur ; le récitatif qui lui succède, et dont je viens de parler,