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LIGNES ÉCRITES QUELQUE TEMPS APRÈS
la
PREMIÈRE REPRÉSENTATION D’ORPHÉE


Orphée commence à avoir une vogue inquiétante. Il faut espérer pourtant que Gluck ne deviendra pas à la mode. Que le théâtre soit plein à chacune des représentations du chef-d’œuvre, tant mieux ; que M. Carvalho gagne beaucoup d’argent, tant mieux ; que les mœurs musicales des Parisiens s’épurent, que leurs petites idées s’agrandissent et s’élèvent, tant mieux encore ; que le public artiste se complaise dans sa joie exceptionnelle, tant mieux, mille fois tant mieux. Mais que les Polonius (c’est le nouveau nom de monsieur Prud’homme) se croient obligés maintenant de rester éveillés aux représentations d’Orphée, qu’ils se cachent pour aller voir leurs chères parodies dans un théâtre qu’il est interdit de nommer, qu’ils feignent de trouver la musique de Gluck charmante, tant pis ! tant pis ! Pourquoi chasser le naturel, puisqu’il ne tardera pas à revenir au galop ? Pourquoi, quand on est un respectable M. Prud’homme, un Polonius barbu ou non barbu, ne pas parler la langue de son emploi, faire semblant de comprendre et de sentir, et ne pas dire franchement avec tant d’autres : « C’est assommant, ah ! c’est assommant ! » (Je ne cite pas le mot en