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sion de son visage, toujours si puissante, l’est plus encore dans les scènes muettes que dans celles où elle doit renforcer l’accentuation du chant.

Au début du premier acte d’Orphée, ses poses auprès du tombeau d’Eurydice rappellent celles de certains personnages des paysages de Poussin, ou plutôt certains bas-reliefs que Poussin prit pour modèles. Le costume viril antique, d’ailleurs, lui sied on ne peut mieux.

Madame Viardot, à partir de son premier récitatif :

Aux mânes sacrés d’Eurydice
Rendez les suprêmes honneurs,
Et couvrez son tombeau de fleurs,


s’est emparée de l’auditoire. Chaque mot, chaque note portaient. La grande et belle mélodie, « Objet de mon amour, » dite avec une largeur de style incomparable et une profonde douleur calme, a plusieurs fois été interrompue par les exclamations échappées aux auditeurs les plus impressionnables. Rien de plus gracieux que son geste, de plus touchant que sa voix, lorsqu’elle se tourne vers le fond de la scène, contemple les arbres du bois sacré et dit :

Sur ces troncs dépouillés de l’écorce naissante
On lit ce mot, gravé par une main tremblante :


Voilà l’élégie, voilà l’idylle antique, c’est Théocrite, c’est Virgile.

Mais à ce cri :

Implacables tyrans, j’irai vous la ravir !


tout change, la rêverie et la douleur cèdent la place à l’enthousiasme et à la passion. Orphée saisit sa lyre, il va descendre aux enfers ;

Les monstres du Ténare ne l’épouvantent pas.


il ramènera Eurydice. Dire ce que madame Viardot a fait de