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Pouvait-on, par exemple, laisser dire à Eurydice, qui veut absolument se faire regarder par son époux :

Contente mon envie !


et quelques autres gentillesses semblables ?…

Après ce long préambule, nécessaire peut-être, nous sommes plus à l’aise pour parler de l’Orphée de Gluck et de la façon dont il a été remis en scène au Théâtre-Lyrique.

M. Janin l’écrivait dernièrement : « Nous ne reprenons pas les chefs-d’œuvre, ce sont les chefs-d’œuvre qui nous reprennent. »

En effet, voilà qu’Orphée nous a repris, nous tous qui sommes de bonne prise. Quant aux autres, quant à ces Polonius qui trouvent tout trop long et à qui il faut un conte grivois ou quelque sale parodie pour les tenir éveillés, aucun chef-d’œuvre ne voudrait d’eux, et Orphée n’aurait garde de les reprendre.

On sait cela, et pourtant on sent son cœur se serrer en écoutant les opinions diverses émises par la foule toutes les fois qu’une production importante de l’art est soumise à son jugement. On sent son cœur se soulever, surtout si, après de nobles émotions, on entend discuter le produit probable en gros sous de l’œuvre qui les a causées, et répéter autour de soi cette phrase infâme : « Cela fera-t-il de l’argent ? »

Mais n’abordons pas ces questions de lucre et de trafic auxquelles on ramène tout aujourd’hui, laissons-nous aller franchement aux choses qui nous prennent par les entrailles, et ne nous donnons pas de la peine pour nous empêcher d’avoir du plaisir. Qu’est-ce que le génie ? qu’est-ce que la gloire ? qu’est-ce que le beau ? Je ne sais, et ni vous, monsieur, ni vous, madame, ne le savez mieux que moi. Seulement il me semble que si un artiste a pu produire une œuvre capable de faire naître en tous temps des sentiments élevés, de belles passions dans le cœur d’une certaine classe d’hommes que nous croyons, par la