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s’assurer d’un artiste de premier ordre pour une de ces grandes figures qui ne supportent rien d’incomplet ni de mesquin dans leur reproduction, la difficulté est presque toujours insurmontable. Orphée est de celles-là. Où trouver le ténor réunissant les qualités spéciales que la représentation de ce personnage exige : connaissance profonde de la musique, habileté dans le chant large ; possession complète du style simple et sévère ; organe puissant et noble ; profonde sensibilité, expression du visage, beauté et naturel du geste ; enfin compréhension parfaite et par suite amour raisonné de l’œuvre de Gluck ? Heureusement le directeur du Théâtre-Lyrique savait que le rôle d’Orphée fut écrit dans l’origine pour une voix de contralto, il comprit qu’en le faisant accepter à madame Viardot il assurait le succès de son entreprise. Il y parvint. Une fois sûr du concours de la grande artiste, il fit entreprendre pour la partition un travail spécial que nous allons indiquer.

L’Orfeo ed Euridice, azione theatrale per la musica, del signor cavaliere Cristofano Gluck, fut d’abord un opéra en trois actes fort courts, dont le texte italien avait été écrit par Calzabigi. Il fut représenté pour la première fois à Vienne, en 1764, bientôt après à Parme, puis sur une foule d’autres théâtres d’Italie.

À Vienne, les rôles étaient ainsi distribués :
xxxxOrfeo, signor Gaetano Guadagni (contralto castrat) ;
xxxxEurydice, signora Marianna Bianchi ;
xxxxAmore, signora Lucia Clavarau.

On a même conservé le nom du maître des ballets, Gasparo Angiolini, et celui du metteur en scène, Maria Quaglio.

Plus tard, Gluck, étant venu en France pour reproduire Orphée sur la scène de l’Académie royale de musique, fit traduire le libretto de Calzabigi par M. Molines, transposa ou fit transposer le rôle principal pour la voix de haute-contre (ténor haut) du chanteur Legros, ajouta beaucoup de morceaux nouveaux à sa partition, et fit subir aux anciens une foule de modi-