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ou moins fatigant qui vous irrite ou vous assomme, et l’on sort de là en maudissant l’œuvre et l’auteur.

Je n’oublierai jamais la répétition générale des Huguenots. En rencontrant M. Meyerbeer sur le théâtre, après le quatrième acte, je ne pus lui dire que ceci : « Il y a un chœur dans l’avant-dernière scène qui, ce me semble, doit produire de l’effet. » Je voulais parler du chœur des moines, de la scène de la bénédiction des poignards, de l’une des plus foudroyantes inspirations de l’art de tous les temps. Il me semblait que cela devait produire quelque effet. Je n’en avais pas été autrement frappé.

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La composition musicale dramatique, est un art double ; il résulte de l’association, de l’union intime de la poésie et de la musique. Les accents mélodiques peuvent avoir sans doute un intérêt spécial, un charme qui leur soit propre et résultant de la musique seulement ; mais leur force est doublée si on les voit concourir en outre à l’expression d’une belle passion, d’un beau sentiment, indiqués par un poëme digne de ce nom ; les deux arts unis se renforcent alors l’un par l’autre. Or cette union est détruite en grande partie dans les salles trop vastes, où l’auditeur, malgré toute son attention, comprend à peine un vers sur vingt, où il ne voit même pas bien les traits du visage des acteurs, où il lui est en conséquence impossible de saisir les nuances délicates de la mélodie, de l’harmonie, de l’instrumentation, et les motifs de ces nuances, et leurs rapports avec l’élément dramatique déterminé par les paroles, puisque ces paroles il ne les entend pas.

La musique, je le répète, doit être entendue de près ; dans l’éloignement, son charme principal disparaît ; il est tout au moins singulièrement modifié et affaibli. Trouverait-on quelque plaisir dans la conversation des plus spirituelles gens du monde si l’on était obligé de l’entretenir à trente pas de ses interlocuteurs. Le son, au delà d’une certaine distance, bien