Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/101

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous autres, musiciens infimes d’un monde infime et soussaturnien, nous appelons le style plat, le style bête, le style insupportable ; et, bien loin de nous ravir au cinquante-huitième ciel, cela nous irrite et nous donne des nausées… Ah ! c’est à en perdre la raison, si la chose était possible.

Alors il faudra donc croire que le beau et le laid n’étant pas absolus, universels, beaucoup de productions de l’esprit humain, admirées sur la terre, seront méprisées dans le monde des esprits, et je me vois autorisé à conclure (au reste, je m’en doutais depuis longtemps) que des opéras représentés et applaudis journellement, même sur des théâtres que la pudeur me permet de nommer, seraient sifflés dans Saturne, dans Jupiter, dans Mars, dans Vénus, dans Pallas, dans Sirius, dans Neptune, dans la grande et la petite Ourse, dans la constellation du Chariot, et ne sont enfin que des platitudes infinies pour l’univers infini.

Cette conviction n’est pas faite pour encourager les grands producteurs. Plusieurs d’entre eux, accablés par la funeste découverte, sont tombés malades, et pourraient bien, dit-on, passer à l’état d’esprits. Heureusement ce sera long.