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BERKELEY

venu récemment à les ramener surtout à des causes mécaniques : figure, mouvement, poids et autres telles qualités des particules insensibles. Et pourtant il n’existe, dans le fait, d’autre agent ou cause efficiente que l’esprit (spirit), et il est évident que le mouvement est, comme toutes les autres idées, parfaitement inerte. (Voyez § 25.) On travaille donc nécessairement en vain, quand on s’efforce d’expliquer la production des sons ou des couleurs par la figure, le mouvement, la grandeur, etc. Aussi voyons-nous que les tentatives de cette espèce ne sont nullement satisfaisantes. Nous pouvons en dire généralement autant des explications dans lesquelles une idée ou qualité est assignée pour la cause d’une autre. Je n’ai pas besoin de dire combien d’hypothèses et de spéculations sont jetées de côté, et à quel point l’étude de la nature est abrégée par notre doctrine.

103. Le grand principe mécanique maintenant en vogue est l’attraction. Qu’une pierre tombe dans la direction de la terre, ou que la mer se renfle vers la lune, certains trouvent que c’est assez expliqué par là. Mais en quoi sommes-nous éclaircis de la chose, quand on nous dit qu’elle s’opère par attraction ? Est-ce parce que ce mot exprime un mode de tendance, à savoir celui qui a lieu quand les corps sont tirés les uns par les autres au lieu d’être poussés ou chassés les uns vers les autres ? Mais rien n’est déterminé, dans l’état de nos connaissances, touchant le mode d’action, qui pourrait être nommé avec autant de vérité « impulsion » ou « propulsion » qu’« attraction ». On explique également par l’attraction ce qu’on voit de la ferme cohérence des parties d’un corps, comme l’acier. Pourtant ni dans ce cas ni dans les autres, je ne m’aperçois pas qu’on exprime rien au delà de l’effet lui-même. Quant au mode de l’action par lequel il est produit, ou à la cause qui le produit, c’est à quoi l’explication ne vise seulement pas.

104. Il est vrai que si nous examinons les différents phénomènes et que nous les comparions, nous pouvons observer entre eux des ressemblances, une conformité. Par exemple, dans la chute d’une pierre sur le sol, dans le soulèvement de la mer vers la lune, dans la cohésion, dans la cristallisation, etc., il y a quelque chose de commun : l’union ou l’approche mutuelle des corps ; en sorte qu’aucun des phéno-