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BERKELEY

les relations sont, en leurs classes respectives, l’objet de la connaissance humaine et le sujet du discours, et que ce serait étendre improprement le mot idée que de lui faire signifier tout ce que nous connaissons ou dont nous pouvons avoir une notion. >

90. Les idées imprimées sur les sens sont choses réelles, existent réellement. Ceci, nous ne le nions pas, mais nous nions qu’elles puissent exister en dehors des esprits qui les perçoivent, ou qu’elles soient des ressemblances de certain archétypes existant hors de l’esprit, puisque l’être même d’une sensation ou idée consiste en l’être-perçu, et qu’une idée ne peut ressembler à rien qu’à une idée. Maintenant, les choses perçues par les sens peuvent être nommées externes eu égard à leur origine, en ce qu’elles ne sont pas engendrées du dedans par l’esprit (mind) lui-même, mais bien imprimées par un Esprit (Spirit) distinct de celui qui les perçoit. Pareillement, on peut dire que les objets sensibles existent « hors de l’esprit » ; on le dit alors en un autre sens : on entend qu’ils existent en quelque autre esprit. C’est ainsi que si je ferme les yeux, les choses que j’ai vues existent encore mais alors il faut que ce soit dans un autre esprit.

91. Ce serait une erreur de penser que ce qui est dit ici déroge le moins du monde à la réalité des choses. Il est admis, selon les principes reçus, que l’étendue, le mouvement et, en un mot, toutes les qualités sensibles ont besoin d’un support et ne sont pas aptes à subsister par elles-mêmes. Or les objets perçus par les sens ne sont, on en convient, que des combinaisons de ces qualités, et par conséquent ne peuvent subsister par eux-mêmes. Sur tout ceci on est d’accord. Ainsi, quand nous refusons aux choses perçues par les sens une existence indépendante d’un support ou substance en laquelle elles puissent exister, nous ne nous écartons en rien de l’opinion reçue de leur réalité : on ne peut nous reprocher aucune innovation sous ce rapport. Toute la différence consiste en ce que, selon nous, les choses non pensantes perçues par les sens n’ont point d’existence qui soit distincte de l’être-perçu, et ne peuvent donc exister en aucune substance autre que ces substances inétendues, indivisibles, ou esprits (spirits), qui agissent, pensent et les perçoivent. Au lieu de cela, les philosophes tiennent communément que les