Page:Berkeley - Les Principes de la connaissance humaine, trad. Renouvier.djvu/74

Cette page a été validée par deux contributeurs.
52
BERKELEY

correspond toujours à quelque désordre qu’on découvrira dans les pièces, en sorte que si une main habile y remédie, tout recommencera à bien aller ? On peut en dire autant de toute l’œuvre d’horlogerie de la nature, qui est en grande partie si merveilleusement fine et subtile qu’il est à peine possible d’y pénétrer avec le meilleur microscope. Bref, on demandera comment, d’après nos principes, on peut donner une explication tolérable, assigner une cause finale quelconque de cette multitude innombrable de corps et de machines, construits avec un art consommé, auxquels la philosophie commune attribue des emplois parfaitement adaptés, et dont elle se sert pour rendre raison d’une quantité de phénomènes.

61. À tout cela je réponds : 1o que s’il y avait certaines difficultés relatives à l’administration de la Providence et à l’usage assigné par elle aux différentes parties de la nature, difficultés que je ne pusse résoudre au moyen des principes ci-dessus, l’objection qu’on tirerait de là serait pourtant de peu de poids contre la vérité et la certitude de choses qui peuvent être établies a priori avec la plus haute évidence et la rigueur d’une démonstration ; — 2o que les principes reçus ne sont pas non plus exempts de pareilles difficultés : on peut toujours demander pour quelle fin Dieu aurait choisi ces méthodes compliquées et détournées de faire par instruments et machines ce qu’Il eût pu faire aussi bien, nul n’en disconviendra, sans tout cet appareil, et par un simple commandement de Sa volonté. Il y a plus : si nous y regardons de près, nous verrons que l’objection peut se rétorquer avec plus de force contre ceux qui admettent l’existence de ces machines hors de l’esprit. Nous avons prouvé (§ 25) que la solidité, la masse, la figure, le mouvement, etc., ne renferment nulle activité ou efficacité par où ils puissent produire des effets dans la nature. Quand, donc, on suppose leur existence (mettons qu’elle soit possible) durant qu’ils ne sont pas perçus, on la suppose sans aucune utilité ; car l’unique emploi qu’on leur assigne, en tant qu’ils existent non perçus, est de produire ces effets percevables qui ne sauraient véritablement s’attribuer qu’à l’Esprit.

62. Mais pour serrer de plus près la difficulté, on doit observer que, si la fabrication de tant de parties et d’organes