devra paraître infini. Durant tout ceci, il n’y a pas d’altération dans le corps, mais seulement dans le sens. Tout corps, considéré en lui-même, est donc infiniment étendu, et n’a en conséquence ni forme, ni figure. D’où il suit qu’encore que nous voulussions accorder qu’il n’y a rien de si certain que l’existence de la Matière, il est certain en même temps, (et les matérialistes sont forcés d’en convenir, par leurs propres principes), que ni les corps particuliers perçus par les sens, ni aucune chose qui leur ressemble n’existent hors de l’esprit. La Matière, dis-je, et chaque particule de la Matière sont, suivant eux, infinis et sans forme ; et c’est l’esprit qui construit toute la variété des corps qui composent le monde visible ; et aucun d’entre eux n’existe pendant plus de temps qu’il n’est perçu.
48. Mais, après tout, si nous l’examinons, l’objection proposée dans le § 45 ne saurait être poussée raisonnablement contre les principes que nous avons exposés, ni faire ressortir le moins du monde un vice de notre doctrine. Il est bien vrai que nous tenons les objets des sens pour n’être rien autre que des idées, lesquelles ne peuvent exister non perçues, mais nous pouvons n’en point conclure qu’elles n’ont d’existence que pendant que nous les percevons, puisqu’il peut y avoir un autre esprit (spirit) qui les perçoit, alors que nous ne les percevons pas. Quand nous disons que les corps n’existent pas hors de l’esprit, il ne faut pas qu’on l’entende de tel ou tel esprit particulier, mais de tous les esprits quelconques. Il ne s’ensuit donc pas de nos principes que les corps sont annihilés ou créés à tout moment et n’ont aucune existence durant les intervalles où nous ne les percevons pas.
49. Cinquièmement, on pourra objecter que si l’étendue et la figure existent dans l’esprit seulement, il en résulte que l’esprit est étendu et figuré, puisque l’étendue est un mode ou attribut qui (pour parler comme l’École) est un prédicat du sujet dans lequel il existe. Je réponds : ces qualités sont dans l’esprit en tant seulement qu’elles sont perçues par lui. En d’autres termes, elles n’y sont pas en manière de mode ou d’attribut, mais seulement en manière d’idée. Il ne s’ensuit donc pas, de ce que l’étendue existe en lui seul, que l’esprit est étendu, que l’âme est étendue ; pas plus qu’il ne faut qu’il