dans l’incertitude et la confusion, et l’homme fait ne serait pas plus en état de se diriger que l’enfant qui vient de naître.
32. Et cependant cette œuvre uniforme et si bien liée, dans laquelle se déploient avec tant d’évidence la bonté et la sagesse de l’Esprit qui gouverne et de qui la Volonté constitue les lois de la nature, il s’en faut tellement qu’elle dirige vers Lui nos pensées, que, tout au contraire, elle semble les faire dévier vers les causes secondes. Car, quand nous percevons certaines idées sensibles, constamment suivies par d’autres idées, et que nous reconnaissons que l’opération n’est point de nous, nous nous hâtons d’attribuer le pouvoir et l’action aux idées elles-mêmes, et de les prendre pour causes les unes des autres ; ce qui de toutes les choses est la plus absurde et la plus inintelligible. Si, par exemple, nous avons observé que, percevant à l’aide de la vue une certaine figure lumineuse ronde, nous percevons en même temps, à l’aide du toucher, l’idée ou sensation appelée chaleur, nous concluons de là que le soleil est la cause de la chaleur. Et de même en observant que le mouvement et le choc des corps sont accompagnés d’un son, nous sommes portés à penser que ce dernier est l’effet des autres qui le précèdent.
33. Les idées imprimées sur les sens par l’Auteur de la nature s’appellent des choses réelles ; et celles qui sont excitées dans l’imagination, et qui sont moins régulières, moins vives, moins constantes, s’appellent plus proprement idées ou images des choses dont elles sont des représentations et des copies. Mais nos sensations, pour vives et distinctes qu’elles soient, ne laissent pas d’être des idées, c’est-à-dire d’exister dans l’esprit et d’y être perçues, aussi véritablement que les idées que nous formons nous-mêmes. On accorde que les idées des sens ont plus de réalité, c’est-à-dire qu’elles sont plus fortes, plus cohérentes et ordonnées que les créatures de l’esprit (mind) ; mais ce n’est point une raison pour qu’elles existent hors de l’esprit (mind). Elles sont aussi moins dépendantes de l’esprit (spirit) ou substance pensante qui les perçoit, attendu qu’elles sont excitées par la volonté d’un autre et plus puissant esprit (spirit). Cependant ce sont toujours des idées, et certainement une idée, qu’elle soit faible ou qu’elle soit forte, ne peut exister autrement qu’en un esprit (mind) qui la perçoit.