garde seulement ce qui est commun à tous, et construit de la sorte une idée abstraite de laquelle participent également tous les particuliers. Il y a donc séparation totale et retranchement de toutes les circonstances et différences qui pourraient déterminer cette idée à une existence particulière. Et de cette manière on dit que nous arrivons à l’idée abstraite de l’homme, ou, si l’on veut, de l’humanité ou nature humaine. La couleur fait partie de cette idée, il est vrai, parce que nul homme n’est sans couleur, mais ce ne peut être ni le blanc, ni le noir, ni aucune couleur particulière, vu qu’il n’y a pas de couleur particulière que tous les hommes aient en partage. La stature en fait aussi partie, mais ce n’est ni une grande, ni une petite, ni même une moyenne taille, mais quelque chose qui s’abstrait de toutes. Et ainsi du reste. De plus, comme il existe une grande variété d’autres créatures qui participent en certains points, non pas en tous, de l’idée complexe de l’homme, l’esprit laissant de côté tous les traits particuliers aux hommes et ne gardant que ceux qui sont communs à toutes les créatures vivantes, forme l’idée de l’animal, idée obtenue par abstraction, non seulement de tous les hommes particuliers, mais encore de tout ce qu’il y a d’oiseaux, de bêtes, de poissons et d’insectes. Les parties constitutives de l’idée abstraite de l’animal sont le corps, la vie, le sentiment et le mouvement spontané. Par le corps on entend le corps sans aucune forme particulière ou figure, car il n’y a point de forme ou figure commune à tous les animaux ; sans rien qui le couvre, comme poils, plumes, écailles, etc. ; non pas nu cependant, puisque les poils, les plumes, les écailles, la nudité sont des propriétés distinctives des animaux particuliers, et, pour cette raison, doivent être écartées de l’idée abstraite. D’après la même considération, le mouvement spontané ne doit être ni la marche, ni le vol, ni la reptation ; c’est néanmoins un mouvement ; mais ce mouvement, qu’est-il ? Il n’est pas facile de le concevoir.
10. Si d’autres possèdent cette merveilleuse faculté d’abstraire leurs idées, ce sont eux qui peuvent le mieux nous le dire ; quant à moi [j’ose me tenir pour certain que je ne la possède pas][1], je reconnais bien que j’ai la faculté d’imaginer,
- ↑ Omis dans la seconde édition.