Page:Berkeley - Les Principes de la connaissance humaine, trad. Renouvier.djvu/129

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
107
LES PRINCIPES DE LA CONNAISSANCE HUMAINE

grande conséquence, plutôt que de ce que, la négligeant, ils n’en acquièrent pas la conviction. Et cependant il est à craindre que trop d’hommes de talent et de loisir, qui vivent en pays chrétiens, ne soient, par le seul fait d’une effrayante paresse, plongés dans une sorte de demi-athéisme[1]. [Ils ne peuvent pas dire qu’il n’y a point de Dieu, mais ils ne sont pas non plus convaincus qu’il y en a un. Quelle autre cause qu’une incrédulité cachée, des doutes secrets sur l’existence et les attributs de Dieu, peut permettre aux pécheurs de croître dans l’impiété et de s’y endurcir ?] Il est absolument impossible qu’une âme pénétrée et illuminée du sentiment profond de l’omniprésence, de la sainteté et de la justice de cet Esprit tout-puissant persiste sans remords dans la violation de Ses lois. Nous devons donc étudier ces points importants et les méditer sérieusement, afin d’arriver à la conviction, sans aucun mélange d’incertitude, « que les yeux du Seigneur sont ouverts en tous lieux sur le bien et le mal ; qu’il est avec nous et nous garde partout où nous allons, nous donne des aliments à manger et des vêtements à nous mettre » ; qu’Il est présent et conscient à nos plus intimes pensées ; enfin que nous sommes dans une dépendance absolue et immédiate de Lui. Une vue claire de ces grandes vérités ne peut manquer de remplir nos cœurs d’une terrible circonspection et d’une sainte terreur, qui sont les plus forts stimulants pour nous porter à la vertu, et les meilleurs préservatifs du vice.

156. Car, après tout, ce qui mérite la première place dans nos études, c’est la considération de Dieu et de notre Devoir. Comme l’objet capital et le dessein de mes travaux a été de la favoriser, je les tiendrai pour entièrement inefficaces et vains, si je ne peux, par ce que j’ai dit, inspirer à mes lecteurs un pieux sentiment de la Présence de Dieu, et, en montrant, comme je l’ai fait, la fausseté et la vanité des spéculations stériles qui sont la principale occupation des savants, les disposer mieux à révérer et embrasser les vérités salutaires de l’Évangile, que la plus haute perfection de la nature humaine est de connaître et de pratiquer.

  1. « Dans l’athéisme », porte simplement la seconde édition, où les deux phrases suivantes ne se trouvent pas.