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même règle, ou analogie, il est facile de les lire en leur substituant des mots, et le nombre est ainsi parfaitement connu ; car on dit que le nombre de certains objets particuliers est connu quand on connaît le nom ou les chiffres (les chiffres en leur due disposition) qui se rapportent à ce nombre en vertu de l’analogie établie. En effet, connaissant ces signes, nous pouvons par les opérations de l’arithmétique connaître les signes de toute partie des sommes particulières qu’ils signifient, et faisant ainsi porter le calcul sur les signes (à cause de la connexion établie entre eux et les multitudes distinctes des choses dont l’une est prise pour une unité), nous avons la faculté d’additionner, diviser et comparer correctement les choses que nous voulons nombrer.

122. Nous considérons donc en arithmétique non les choses, mais les signes, les signes qui néanmoins ne sont pas des objets d’étude pour eux-mêmes, mais qui nous dirigent dans nos actes à l’égard des choses et dans la manière convenable de disposer d’elles. Or il arrive, conformément à ce que nous avons observé touchant les mots en général (Introduction, § 19), qu’ici aussi l’on croit que les noms numéraux ou les caractères signifient des idées abstraites, du moment qu’ils ne suggèrent plus à l’esprit des idées de choses particulières. Je n’entrerai pas maintenant dans une dissertation plus détaillée sur ce sujet, mais je remarquerai qu’il résulte évidemment de ce qui a été dit que tout ce qui passe pour vérités abstraites et théorèmes concernant les nombres ne porte en réalité sur nul objet distinct des choses particulières nombrables, si ce n’est toutefois sur des noms et des caractères. Et ceux-ci se sont présentés uniquement à l’origine en qualité de signes, et comme propres à représenter les choses particulières, quelles qu’elles fussent, que les hommes avaient besoin de compter. Il suit de là que de les étudier pour eux-mêmes serait tout juste aussi sage et bien entendu que si, négligeant l’emploi véritable, l’intention première et le service d’utilité du langage, on consacrait son temps à des critiques déplacées sur les mots, ou à des raisonnements et à des controverses purement verbales.

123. Passons des nombres à l’étendue, qui est l’objet de la géométrie. La divisibilité infinie de l’étendue finie, encore qu’on ne l’ait point expressément posée comme un axiome