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BERKELEY

116. Il s’ensuit de ce que nous avons dit que la considération philosophique du mouvement n’implique point l’être d’un espace absolu distinct de celui qui est perçu par les sens et rapporté aux corps. Qu’un tel espace ne puisse exister hors de l’esprit, cela résulte des mêmes principes qui servent à une semblable démonstration par rapport à tout objet des sens. Et peut-être trouverions-nous, en étudiant la question de près, que nous ne pouvons pas même nous former une idée d’un espace pur à l’exclusion de tout corps. C’est du moins une tâche au-dessus de ma capacité, je l’avoue, car il s’agit d’une idée abstraite au plus haut degré. Lorsque j’excite un mouvement en quelque partie de mon corps, s’il se fait librement et sans résistance, je dis : il y a de l’espace ; et si j’éprouve une résistance : il y a un corps ; et dans la mesure où la résistance au mouvement est plus grande ou moindre, je dis que l’espace est plus ou moins pur ; en sorte que, quand je parle de l’espace pur ou vide, il ne faut pas entendre par le mot espace une idée distincte du corps et du mouvement ou concevable en dehors d’eux, quoique nous soyons enclins à penser que tout nom substantif représente une idée distincte et séparable de toutes les autres, ce qui est la source d’une infinité d’erreurs. Quand donc je suppose le monde anéanti, à l’exception de mon propre corps, et que je dis que l’espace pur subsiste encore, cela veut dire seulement que dans cette hypothèse, je conçois la possibilité d’un mouvement de mes membres, en toutes directions, sans qu’ils éprouvent la moindre résistance. Mais si mon corps à son tour était anéanti, alors il n’y aurait plus de mouvement, et par conséquent plus d’espace. Peut-être pensera-t-on ici que le sens de la vue nous suggère l’idée de l’espace pur, mais il résulte clairement de ce que j’ai montré ailleurs, que les idées d’espace et de distance ne sont pas obtenues par le moyen de ce sens. (Voyez Essai sur la vision.)

117. Les vérités que nous établissons mettent fin, ce semble,

    force imprimée, laquelle, par le simple fait de la création d’autres corps, produirait un mouvement d’une certaine direction et d’une certaine grandeur. Mais que, dans ce corps unique, il puisse exister un mouvement actuel (autre que la force imprimée, ou pouvoir de produire un changement de lieu, au cas où d’autres corps présents permettraient de définir ce changement), c’est ce que je me déclare incapable de concevoir. » (Note de Renouvier.)