de la perception concrète : cette perception, synthèse vivante de la perception pure et de la mémoire pure, résume nécessairement dans son apparente simplicité une multiplicité énorme de moments. Entre les qualités sensibles envisagées dans notre représentation, et ces mêmes qualités traitées comme des changements calculables, il n’y a donc qu’une différence de rythme de durée, une différence de tension intérieure. Ainsi, par l’idée de tension nous avons cherché à lever l’opposition de la qualité à la quantité, comme par l’idée d’extension celle de l’inétendu à l’étendu. Extension et tension admettent des degrés multiples, mais toujours déterminés. La fonction de l’entendement est de détacher de ces deux genres, extension et tension, leur contenant vide, c’est-à-dire l’espace homogène et la quantité pure, de substituer par là à des réalités souples, qui comportent des degrés, des abstractions rigides, nées des besoins de l’action, qu’on ne peut que prendre ou laisser, et de poser ainsi à la pensée réfléchie des dilemmes dont aucune alternative n’est acceptée par les choses.
3º Mais si l’on envisage ainsi les rapports de l’étendu à l’inétendu, de la qualité à la quantité, on aura moins de peine à comprendre la troisième et dernière opposition, celle de la liberté à la nécessité. La nécessité absolue serait représentée par une équivalence parfaite des moments successifs de la durée les uns aux autres. En est-il ainsi de la durée de l’univers matériel ? Chacun de ses moments pourrait-il se déduire mathématiquement du précédent ? Nous avons supposé dans tout ce travail, pour la commodité de l’étude, qu’il en était bien ainsi ; et telle est en effet la distance entre le rythme de notre durée et celui de l’écoulement des choses que