Page:Bergson - Les Deux Sources de la morale et de la religion.djvu/325

Cette page n’a pas encore été corrigée

l’organisation de l’industrie, des conditions qu’elle imposera ou qu’elle acceptera. Nous venons de voir qu’à ce problème est suspendu celui de la paix entre nations. Celui de la paix intérieure en dépend au moins autant. Faut-il craindre, faut-il espérer ? Longtemps il avait été entendu qu’industrialisme et machinisme feraient le bonheur du genre humain. Aujourd’hui l’on mettrait volontiers sur leur compte les maux dont nous souffrons. Jamais, dit-on, l’humanité n’a été plus assoiffée de plaisir, de luxe et de richesse. Une force irrésistible semble la pousser de plus en plus violemment à la satisfaction de ses désirs les plus grossiers. C’est possible, mais remontons à l’impulsion qui fut à l’origine. Si elle était énergique, il a pu suffire d’une déviation légère au début pour produire un écart de plus en plus considérable entre le but visé et l’objet atteint. Dans ce cas, il ne faudrait pas tant se préoccuper de l’écart que de l’impulsion. Certes, les choses ne se font jamais toutes seules. L’humanité ne se modifiera que si elle veut se modifier. Mais peut-être s’est-elle déjà ménagé des moyens de le faire. Peut-être est-elle plus près du but qu’elle ne le suppose elle-même. Voyons donc ce qu’il en est. Puisque nous avons mis en cause l’effort industriel, serrons-en de plus près la signification. Ce sera la conclusion du présent ouvrage.



On a souvent parlé des alternances de flux et de reflux qui s’observent en histoire. Toute action prolongée dans un sens amènerait une réaction en sens contraire. Puis elle reprendrait, et le pendule oscillerait indéfiniment. Il est vrai que le pendule est doué ici de mémoire, et qu’il n’est plus le même au retour qu’à l’aller, s’étant grossi de l’expérience intermédiaire. C’est pourquoi l’image d’