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une plus ou moins grande quantité de ce que son concept renferme, que toutes étaient par conséquent un acheminement à elle. Mais les choses ne prennent cette forme que rétrospectivement; les changements étaient qualitatifs et non pas quantitatifs ; ils défiaient toute prévision. Par un côté cependant ils présentaient en eux-mêmes, et non pas seulement dans leur traduction conceptuelle, quelque chose de commun. Tous voulaient ouvrir ce qui était clos ; le groupe, qui depuis la précédente ouverture se repliait sur lui-même, était ramené chaque fois à l’humanité. Allons plus loin : ces efforts successifs n’étaient pas précisément la réalisation progressive d’un idéal, puisque aucune idée, forgée par anticipation, ne pouvait représenter un ensemble d’acquisitions dont chacune, en se créant, créerait son idée à elle ; et pourtant la diversité des efforts se résumerait bien en quelque chose d’unique : un élan, qui avait donné des sociétés closes parce qu’il ne pouvait plus entraîner la matière, mais que va ensuite chercher et reprendre, à défaut de l’espèce, telle ou telle individualité privilégiée. Cet élan se continue ainsi par l’intermédiaire de certains hommes, dont chacun se trouve constituer une espèce composée d’un seul individu. Si l’individu en a pleine conscience, si la frange d’intuition qui entoure son intelligence s’élargit assez pour s’appliquer tout le long de son objet, c’est la vie mystique. La religion dynamique qui surgit ainsi s’oppose à la religion statique, issue de la fonction fabulatrice, comme la société ouverte à la société close. Mais de même que l’aspiration morale nouvelle ne prend corps qu’en empruntant à la société close sa forme naturelle, qui est l’obligation, ainsi la religion dynamique ne se propage que par des images et des symboles que fournit la fonction fabulatrice. Inutile de revenir sur ces différents points. Nous