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donner à l’ensemble de ses manifestations ? À ces questions les faits considérés n’apportaient aucune réponse ; mais on apercevait bien la direction d’où la réponse pourrait venir. L’énergie lancée à travers la matière nous était apparue en effet comme infra-consciente ou supra-consciente, en tout cas de même espèce que la conscience. Elle avait dû contourner bien des obstacles, se rétrécir pour passer, se partager surtout entre des lignes d’évolution divergentes ; finalement, c’est à l’extrémité des deux lignes principales que nous avons trouvé les deux modes de connaissance en lesquels elle s’était analysée pour se matérialiser, l’instinct de l’insecte et l’intelligence de l’homme. L’instinct était intuitif, l’intelligence réfléchissait et raisonnait. Il est vrai que l’intuition avait dû se dégrader pour devenir instinct , elle s’était hypnotisée sur l’intérêt de l’espèce, et ce qu’elle avait conservé de conscience avait pris la forme somnambulique. Mais de même qu’autour de l’instinct animal subsistait une frange d’intelligence, ainsi l’intelligence humaine était auréolée d’intuition. Celle-ci, chez l’homme, était restée pleinement désintéressée et consciente, mais ce n’était qu’une lueur, et qui ne se projetait pas bien loin. C’est d’elle pourtant que viendrait la lumière, si jamais devait s’éclairer l’intérieur de l’élan vital, sa signification, sa destination. Car elle était tournée vers le dedans ; et si, par une première intensification, elle nous faisait saisir la continuité de notre vie intérieure, si la plupart d’entre nous n’allaient pas plus loin, une intensification supérieure la porterait peut-être jusqu’aux racines de notre être et, par là, jusqu’au principe même de la vie en général. L’âme mystique n’avait-elle pas justement ce privilège ?

Nous arrivions ainsi à ce que nous venons d’annoncer comme