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me paraît revenir périodiquement. Si je le remarque, s’il suffit à me distraire, si je l’attends au passage et s’il arrive quand je l’attends, involontairement je rirai. Pourquoi ? Parce que j’ai maintenant devant moi une mécanique qui fonctionne automatiquement. Ce n’est plus de la vie, c’est de l’automatisme installé dans la vie et imitant la vie. C’est du comique.

Voilà aussi pourquoi des gestes, dont nous ne songions pas à rire, deviennent risibles quand une nouvelle personne les imite. On a cherché des explications bien compliquées à ce fait très simple. Pour peu qu’on y réfléchisse, on verra que nos états d’âme changent d’instant en instant, et que si nos gestes suivaient fidèlement nos mouvements intérieurs, s’ils vivaient comme nous vivons, ils ne se répéteraient pas : par là, ils défieraient toute imitation. Nous ne commençons donc à devenir imitables que là où nous cessons d’être nous-mêmes. Je veux dire qu’on ne peut imiter de nos gestes que ce qu’ils ont de mécaniquement uniforme et, par là même, d’étranger à notre personnalité vivante. Imiter quelqu’un, c’est dé-