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les plus comiques de tous les visages. Ici encore se vérifie la loi d’après laquelle l’effet est d’autant plus comique que nous en expliquons plus naturellement la cause. Automatisme, raideur, pli contracté et gardé, voilà par où une physionomie nous fait rire. Mais cet effet gagne en intensité quand nous pouvons rattacher ces caractères à une cause profonde, à une certaine distraction fondamentale de la personne, comme si l’âme s’était laissée fasciner, hypnotiser, par la matérialité d’une action simple.

On comprendra alors le comique de la caricature. Si régulière que soit une physionomie, si harmonieuse qu’on en suppose les lignes, si souples les mouvements, jamais l’équilibre n’en est absolument parfait. On y démêlera toujours l’indication d’un pli qui s’annonce, l’esquisse d’une grimace possible, enfin une déformation préférée où se contournerait plutôt la nature. L’art du caricaturiste est de saisir ce mouvement parfois imperceptible, et de le rendre visible à tous les yeux en l’agrandissant. Il fait grimacer ses modèles comme ils grimaceraient eux-mêmes s’ils